La mesure à tout prix ? Comprendre et déjouer les pièges de la 'KPIsation'
Nous vivons dans un monde obsédé par la mesure. Des performances industrielles aux résultats scolaires, en passant par nos propres habitudes de vie (nombre de pas, temps d'écran...), les indicateurs clés de performance (KPIs) sont partout. Cette "KPIsation" généralisée part d'une intention louable : ce qui est mesuré peut être compris, géré et amélioré. Mais cette quête de quantification peut aussi nous tendre des pièges subtils et contre-productifs.
L'attrait indéniable de la mesure
Pourquoi cette fascination pour les KPIs ? Parce qu'ils offrent une clarté apparente. Un chiffre, un pourcentage, une tendance : voilà des éléments concrets qui semblent simplifier la complexité du réel. Ils permettent de fixer des objectifs clairs, de suivre les progrès, de comparer les performances et de prendre des décisions basées (en théorie) sur des faits objectifs. Dans l'industrie, un KPI bien choisi peut aider à identifier un goulot d'étranglement, à optimiser un processus ou à réduire le gaspillage. L'idée sous-jacente est simple et puissante : on ne peut améliorer que ce que l'on mesure.
Le revers de la médaille : quand la mesure déforme la réalité
Le problème survient lorsque l'indicateur prend le pas sur l'objectif réel qu'il est censé refléter. C'est le cœur de la loi de Goodhart : "Lorsqu'une mesure devient un objectif, elle cesse d'être une bonne mesure." Pourquoi ? Parce que les individus et les organisations vont naturellement chercher à optimiser l'indicateur, parfois au détriment du but initial.
Les exemples abondent :
- Quantité vs qualité : Un centre d'appels évalué uniquement sur le nombre d'appels traités par heure risque de voir ses opérateurs écourter les conversations, quitte à ne pas résoudre réellement le problème du client. L'indicateur (nombre d'appels) s'améliore, mais la satisfaction client (l'objectif réel) chute.
- Court terme vs long terme : Des objectifs de vente trimestriels très agressifs peuvent pousser à des promotions excessives qui nuisent à la marge et à l'image de marque sur le long terme.
- Le mesurable vs l'important : On se concentre sur ce qui est facile à quantifier (ex: taux de présence) en négligeant des aspects cruciaux mais plus difficiles à mesurer (ex: créativité, collaboration, bien-être au travail).
- L'effet "teaching to the test" : Dans l'éducation, une focalisation excessive sur les résultats aux examens standardisés peut encourager un apprentissage superficiel visant à réussir le test, plutôt qu'une compréhension profonde et durable.
Naviguer intelligemment dans l'ère de la mesure
Faut-il alors renoncer à toute mesure ? Certainement pas. Les KPIs restent des outils précieux, à condition de les utiliser avec discernement.
- Équilibre et diversité : Ne vous fiez pas à un seul indicateur. Utilisez un panier équilibré de KPIs, incluant des mesures quantitatives et qualitatives, des indicateurs de résultats (outcomes) et de processus (outputs), des vues à court et long terme.
- Comprendre le "pourquoi" : Assurez-vous que chaque KPI est directement lié à un objectif stratégique clair et compris par tous. Pourquoi mesure-t-on cela ? Qu'est-ce que cela nous dit vraiment ?
- Contextualiser : Un chiffre brut est rarement suffisant. Il doit être interprété à la lumière du contexte, des événements externes, et des autres indicateurs.
- Réviser et adapter : Les bons KPIs d'aujourd'hui ne sont pas forcément ceux de demain. Revoyez régulièrement la pertinence de vos indicateurs et adaptez-les à l'évolution de vos objectifs et de votre environnement.
- Ne pas oublier l'humain : Derrière les chiffres, il y a des personnes et des réalités complexes. Le dialogue, l'observation directe et le bon sens restent essentiels pour compléter la vision offerte par les indicateurs.
En conclusion, la "KPIsation" n'est ni bonne ni mauvaise en soi. C'est l'usage que nous en faisons qui détermine sa valeur. Utilisés avec intelligence, humilité et une vision claire des objectifs réels, les indicateurs sont des alliés puissants. Mais gare à ne pas laisser la mesure devenir une fin en soi, au risque de perdre de vue l'essentiel : la qualité, le sens, et l'impact réel de nos actions.
Chez MIA, nous pensons que fournir les bons indicateurs, au bon moment et directement aux opérateurs, leur permet de comprendre leur impact et de prendre des décisions éclairées, en gardant toujours à l'esprit la qualité et l'objectif final, plutôt que le seul respect d'un chiffre.